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Quand on est parvenu à la véritable cause des phénomènes, il est curieux de porter ses regards en arrière et de voir jusqu’à quel point les hypothèses imaginées pour les expliquer s’en rapprochent. L’une des opinions les plus anciennes et les plus accréditées que l’on ait données des phénomènes capillaires est celle de Jurin. Cet auteur attribue l’élévation de l’eau dans un tube capillaire de verre à l’attraction de la partie annulaire du tube, à laquelle la surface de l’eau est contiguë et adhérente ; « car », dit-il, « c’est seulement de cette partie du tube que l’eau doit s’éloigner en s’abaissant, et par conséquent elle est la seule qui, par la force de son attraction, s’oppose à sa descente. Cette cause est proportionnelle à l’effet, puisque cette circonférence et la colonne d’eau suspendue sont toutes deux proportionnelles au diamètre du tube ». (Transactions Philosophiques, no 363.) À cela Clairaut, dans son Traité de la figure de la Terre, objecte qu’on ne saurait employer le principe que les effets sont proportionnels aux causes que lorsqu’on remonte à une cause première, et non quand on examine un effet résultant de la combinaison de plusieurs causes particulières, que l’on n’évalue pas chacune séparément. Ainsi, quand même on admettrait que le seul anneau de verre qui est adhérent à la surface de l’eau serait la cause de l’élévation de ce liquide, on ne devrait pas en conclure que le poids élevé doit être proportionnel à son diamètre, parce qu’on ne peut connaître la force de cet anneau qu’en sommant celles de toutes ses parties. Clairaut substitue donc à l’hypothèse de Jurin une analyse exacte de toutes les forces qui tiennent une colonne d’eau suspendue en équilibre dans un canal infiniment étroit passant par l’axe du tube. Mais ce grand géomètre n’a pas expliqué le principal phénomène capillaire, celui de l’ascension et de la dépression des liquides dans des tubes très-étroits, en raison inverse du diamètre de ces tubes ; il se contente d’observer, sans en donner la preuve, qu’une infinité de lois d’attraction peuvent produire ce phénomène. La supposition qu’il fait, de l’action du verre sensible jusque sur les molécules de l’eau situées dans l’axe du tube, devait l’éloigner de la véritable explication du phénomène ; mais il est remarquable que, s’il