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liquide renfermé dans le tube serait, lorsqu’elle est concave, tirée verticalement en bas par les colonnes verticales du liquide qui lui sont adhérentes, et lorsque cette surface est convexe, comme celle du mercure dans un tube de verre et d’une goutte d’eau à l’extrémité d’un tube, elle serait pressée perpendiculairement, dans chacun de ses points, par le poids des colonnes supérieures du liquide. Cette surface ne serait donc pas la même dans ces deux cas, et les phénomènes capillaires ne suivraient pas les mêmes lois, ce qui est contraire à l’expérience. Il faut donc reconnaître que ces phénomènes ne dépendent pas seulement de l’action au contact, mais d’une attraction qui s’étend au delà, en décroissant avec une extrême rapidité.

La viscosité des liquides, loin d’être la cause des phénomènes capillaires, en est une cause perturbatrice. Ils ne sont rigoureusement conformes à la théorie que dans les liquides qui jouissent d’une fluidité parfaite ; car les forces dont ces phénomènes dépendent sont si petites que le plus léger obstacle peut en modifier les effets d’une manière sensible. C’est à la viscosité de l’eau que l’on doit attribuer les différences considérables, observées par les physiciens, entre les élévations de ce liquide dans des tubes capillaires de verre d’un même diamètre. La seconde manière dont nous avons envisagé précédemment l’action capillaire nous montre que la surface intérieure du tube élève d’abord une première lame d’eau ; celle-ci en élève une seconde qui en élève une troisième, et ainsi de suite jusqu’à l’axe du tube. L’existence de ces lames peut être rendue sensible, au moyen de quelques grains de poussière adhérents aux parois du verre ; on voit ces petits corps agités par l’impulsion de ces lames, avant que d’être atteints par la surface du liquide. L’attraction mutuelle des lames est oblique à la surface des parois et tend à faire pénétrer les molécules de la seconde lame dans l’intérieur de la première, ce qu’elles ne peuvent faire sans la soulever ou la rompre. Lorsque le tube est fort peu humecté, cette première lame, alors très-mince, résiste à ces efforts par son adhérence au verre et par la viscosité de ses parties. C’est, si je ne me trompe, la raison pour laquelle Newton et M. Haüy n’ont observé que millimètres environ