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résistance à un changement d’état est la plus grande. Chaque molécule, lorsqu’on la dérange infiniment peu de cette position, tend à y revenir en vertu des forces qui la sollicitent. C’est là ce qui constitue l’élasticité, dont on peut supposer tous les corps doués, lorsqu’on ne change qu’extrêmement peu leur figure. Mais, quand l’état respectif des molécules éprouve un changement considérable, ces molécules retrouvent de nouveaux états d’équilibre stable, comme il arrive aux métaux écrouis, et généralement aux corps qui, par leur mollesse, sont susceptibles de conserver toutes les formes qu’on leur donne en les pressant. La dureté des corps et leur viscosité ne me paraissent être que la résistance des molécules à ces changements d’état d’équilibre. La force expansi^e de la chaleur étant opposée à la force attractive des molécules, elle diminue de plus en plus leur viscosité ou leur adhérence mutuelle par ses accroissements successifs, et lorsque les molécules d’un corps n’opposent plus qu’une très-légère résistance à leurs déplacements respectifs dans son intérieur et à sa surface, il devient liquide. Mais sa viscosité, quoique très-affaiblie, subsiste encore jusqu’à ce que, par une augmentation de température, elle devienne nulle ou insensible. Alors, chaque molécule retrouvant dans toutes ses positions les mêmes forces attractives et la même force révulsive de la chaleur, elle cède à la pression la plus légère, et le liquide jouit d’une fluidité parfaite. On peut conjecturer avec vraisemblance que cela a lieu pour les liquides qui, comme l’alcool, ont une température fort supérieure à celle où ils commencent à se congeler. Cette influence de la figure des molécules est très-sensible dans les phénomènes de la congélation et de la cristallisation, que l’on rend beaucoup plus promptes en plongeant dans le liquide un morceau de glace ou un cristal formé du même liquide, les molécules de la surface de ce solide se présentant aux molécules liquides qui les touchent dans la situation la plus favorable à leur union avec elles. On conçoit que l’influence de la figure, quand la distance augmente, doit décroître bien plus rapidement que l’attraction elle-même. C’est ainsi que, dans les phénomènes célestes qui dépendent de la figure des planètes, tels que la précession des