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L’étendue figurée dont je me propose de vous entretenir ici n’existe qu’avec trois dimensions ; mais, pour la considérer suivant la méthode analytique, on commence par la dépouiller de deux de ces dimensions et, en la réduisant ainsi à une seule, on a l’idée de la ligne. Si, dans cette idée, on écarter tout rapport avec deux dimensions, on a l’idée de la ligne droite ; car, quoiqu’une ligne courbe n’ait qu’une dimension, cependant l’idée de sa courbure suppose nécessairement la considération de deux dimensions. L’extrémité de la ligne forme le point qui est la dernière abstraction de l’entendement, dans la considération de l’étendue. La surface est l’étendue envisagée avec deux dimensions ; et si, dans cette idée, on fait entièrement abstraction de la troisième, on a l’idée du plan. Enfin, l’étendue avec ses trois dimensions forme le solide.

La ligne droite est la plus courte de toutes celles qu’on peut mener d’un point à un autre.

Si deux droites se rencontrent en deux points elles se confondent ; si elles ne se rencontrent que dans un point elles forment un angle par leur inclinaison mutuelle.

Deux droites qui, prolongées à l’infini de chaque côté, ne se rencontrent jamais, sont parallèles. Les perpendiculaires élevées sur l’une de ces lignes, et prolongées jusqu’à l’autre ligne, sont toutes égales. Les parallèles sont également inclinées sur une droite quelconque.

La démonstration de ces propositions fort simples laisse peut-être quelque chose à désirer du côté de la rigueur ; mais leur seul énoncé produit la conviction la plus entière. Il ne faut donc pas dans l’enseignement insister sur ce qui peut manquer encore à la rigueur des preuves que l’on en donne, et l’on doit abandonner cette discussion aux métaphysiciens géomètres, du moins jusqu’à ce qu’elle ait été suffisamment éclaircie, pour ne laisser aucun nuage dans l’esprit des commençants. Les sciences même les plus exactes renferment quelques principes généraux que l’on saisit par une sorte d’instinct qui ne permet pas d’en douter, et auquel il est bon de se livrer d’abord. Après les avoir suivis dans toutes leurs conséquences, et s’être fortifié