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paraît que Newton parvint à cette formule. Il observa d’abord la loi des coefficients numériques des puissances du binôme dans le carré, le cube, la quatrième puissance, etc., et bientôt la loi générale se manifesta. Cette manière de s’élever aux lois générales, par la considération des cas particuliers, se nomme induction. Elle est la source de presque toutes les découvertes dans l’Analyse et dans la nature dont tous les phénomènes sont, comme nous l’avons déjà dit, les résultats mathématiques d’un petit nombre de lois invariables ; ainsi, la marche de Newton dans la découverte de la gravitation universelle a été exactement la même que dans celle de la formule du binôme. Mais, dans cette méthode d’induction, il faut éviter de généraliser trop promptement, car il arrive quelquefois qu’une loi qui se soutient dans un grand nombre de cas est démentie par les cas suivants. La méthode d’induction, quoique excellente pour découvrir les vérités générales, ne doit donc pas dispenser de les démontrer avec rigueur.

Newton étendit ensuite aux puissances fractionnaires et négatives l’expression analytique qu’il avait trouvée dans les puissances entières et positives. Vous voyez dans cette extension un des grands avantages du langage algébrique, qui exprime des vérités beaucoup plus générales que celles que l’on voulait lui faire exprimer ; en sorte qu’en lui donnant toute l’étendue qui lui convient, on voit sortir une foule de vérités nouvelles, de formules qui n’avaient été trouvées que par des suppositions particulières. On fut d’abord très réservé à admettre ces conséquences générales que fournissent les formules analytiques ; mais un grand nombre d’exemples les ayant justifiées, on s’abandonne aujourd’hui, sans crainte, à l’Analyse et à toutes les conséquences qu’elle nous présente, et les plus heureuses découvertes ont été le fruit de cette hardiesse. Observons cependant qu’il y a quelques précautions à prendre pour éviter de donner aux formules plus de généralité qu’elles n’en comportent, et qu’il est toujours bon de démontrer en rigueur les résultats que l’on obtient.

Quand on ne veut qu’indiquer une extraction de racine, on se sert du signe sous lequel on renferme la quantité proposée ; ce radical,