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Il me reste à vous dire un mot des propriétés des nombres. Elles ont intéressé la curiosité des géomètres, surtout par les artifices singuliers qu’il a fallu imaginer pour y parvenir. Pour vous donner une idée de ces propriétés, il suffit d’en énoncer quelques-unes.

Tout nombre entier est composé de quatre ou d’un moindre nombre de carrés.

La somme de deux puissances semblables et entières ne peut former exactement une puissance semblable, en nombres rationnels, lorsque cette puissance surpasse deux.

Ce dernier théorème est dû, avec beaucoup d’autres également curieux, à Fermat et n’a point encore été démontré. Ce grand géomètre avait promis de publier les démonstrations de ces divers théorèmes, mais elles ont été perdues à sa mort, et ces théorèmes sont restés comme autant de monuments qui, par la difficulté d’y parvenir, attestent la profondeur de son génie. Il est fort remarquable que les grandes découvertes dont l’analyse s’est enrichie dans ce siècle aient peu influé sur la théorie des nombres. Au reste, ces recherches ne sont jusqu’ici que de pure curiosité, et je ne conseille de s’y livrer qu’à ceux qui en ont le loisir. Cependant il est bon de les suivre ; elles fournissent d’excellents modèles dans l’art de raisonner ; d’ailleurs on en fera un jour, peut-être, des applications importantes. Tout se tient dans la chaîne des vérités, et quelquefois un seul phénomène a suffi pour faire passer les plus inutiles en apparence, de notre entendement, dans la nature. Rien ne semblait plus futile que les spéculations des anciens géomètres sur les courbes qu’engendre la section de la surface du cône par un plan : après deux mille ans, elles ont fait découvrir à Kepler les lois générales du système planétaire, dont les différents corps se meuvent dans ces courbes[1].


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  1. Depuis la première publication de ces Leçons, M. Gauss, célèbre géomètre, a réalisé celle prédiction, et, par une application extrêmement ingénieuse de la théorie des nombres, il est parvenu à des résultats intéressants, entièrement nouveaux, sur la résolution des équations et sur l’inscription des polygones réguliers dans le cercle. (Note de l’Auteur.)