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Cette analogie a conduit Neper à la découverte des logarithmes, admirable instrument qui, en réduisant à quelques heures le travail de plusieurs mois, double, si l’on peut ainsi dire, la vie des astronomes, et leur épargne les erreurs et les dégoûts inséparables des longs calculs : invention d’autant plus satisfaisante pour l’esprit humain qu’il l’a tirée en entier de son propre fonds. Dans les arts, l’homme emploie les forces et les matériaux de la nature pour accroître sa puissance ; mais ici, tout est son ouvrage.

Pour rendre l’analogie dont nous venons de parler plus sensible, et pour en voir naître les logarithmes, concevons que l’on écrive, l’une au-dessous de l’autre, deux progressions, la première géométrique et commençant par l’unité ; la seconde, arithmétique et commençant par zéro. Il est aisé de voir qu’au produit de deux termes quelconqucs de la progression géométrique répond la somme des deux termes correspondants de la progression arithmétique, et qu’à une puissance quelconque d’un des termes le la première progression répond le produit du terme correspondant de la seconde, par l’exposant de la puissance.

Il suit de là que si l’on renfermait dans une progression géométrique tous les nombres en lui fiùsant correspondre une progression arithmétique commençant par zéro, la somme des deux termes de la progression arithmétique indiquerait le produit des deux nombres correspondants dans la progression géométrique, et, par conséquent, leur différence indiquerait le quotient de ces mêmes nombres. Pareillement, le produit d’un terme de la progression arithmétique par indiquerait la puissance deuxième, troisième, etc. du nombre correspondant de la progression géométrique, et, par conséquent, la division d’un terme de la progression arithmétique par indiquerait la racine deuxième, troisième, etc. du nombre correspondant. Une Table qui renfermerait les deux progressions précédentes réduirait donc les multiplications à des additions, les divisions à des soustractions, les élévations de puissances à des multiplications et les extractions des racines à des divisions. Cette Table est celle des logarithmes ; on nomme ainsi les nombres de la progression arithmétique correspondant aux