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dans ce cas, la décision du jury est fictive et doit être regardée comme nulle. Les cinq juges de la Cour d’assises délibérant alors, et si trois étant favorables à l’accusé, deux lui sont contraires, il est condamné. Je ne sais si les annales judiciaires de tous les peuples offrent un autre exemple d’une condamnation prononcée à la minorité des voix. Il importe donc de faire promptement disparaître, d’une loi qui intéresse essentiellement la vie des hommes, des inconvénients aussi graves.

Mais, dit-on, le projet de loi qui vous est présenté pour cet objet dénature l’institution du jury en faisant prévaloir sur sa majorité celle de la Cour d’assises. Je réponds que cela n’arrive que dans l’intérêt de l’accusé, lorsqu’on cherche dans la décision des juges de nouveaux motifs à l’appui de la décision des jurés, que la loi juge insuffisante pour la condamnation ; c’est cette insuffisance qui, dans le projet de loi, annule la décision du jury, non confirmée, et même infimiee par la Cour d’assises.

On dit encore que la division arbitraire de sept jurés contre cinq deviendra plus fréquente, lorsque les jurés ne seront point retenus par la crainte de voir l’accusé condamné à la minorité des juges de la Cour d’assises. Nous ignorons le rapport du nombre des cas où la simple majorité des jures est de pure convention au nombre total des cas où la majorité simple existe. Nous manquons, à cet égard, d’observations sans lesquelles on exagère ou l’on diminue les nombres dans l’intérêt de la cause qu’on veut défendre. Nous savons encore moins quelle sera sur ce rapport l’influence du projet de loi. Mais ce que nous savons certainement, c’est qu’il est urgent de faire cesser l’un des plus grands abus possibles, celui d’un accusé condamné à la minorité des voix. Le législateur doit compter sur le sentiment du devoir dans les jurés, quand ils ont à prononcer sur la vie de leurs semblables. Plusieurs jurés m’ont dit que, dans des cas pareils, ils étaient facilement parvenus à ramenei le jury à l’examen approfondi de la culpabilité de l’accusé. Dans le cas même où la loi ne ferait point intervenir la Cour d’assises, ne peut-on pas craindre que les jurés ne discutent point avec tout le soin nécessaire les questions soumises à leur décision ? Pour les y contraindre,