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sur la
manière dont se forme la décision du jury.

Archives parlementaires de 1787 à 1860, IIe série, t. XXX[1].
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Messieurs, la manière dont se forme la décision du jurv est, sans aucun doute, l’élément le plus important de sa constitution. Le mode actuel offre un grand inconvénient qui, depuis son origine, a frappé tous les bons esprits. Quand sur douze jurés cinq déclarent le fait non constant, la loi élève avec raison un doute qu’elle cherche à dissiper par l’intervention des juges de la Cour d’assises ; elle ne voit point de motifs suffisants pour condamner, dans la simple majorité de sept voix sur douze ; elle cherche dans la décision des juges une confirmation de ces motifs. Cela est juste et conforme à la doctrine des probabilités, qui n’est au fond que le bon sens réduit au calcul dont il emprunte la puissance, pour arriver à des conséquences que de lui-même il n’eût pu tirer. Mais quand la décision des juges à la majorité de trois voix sur cinq, loin de confirmer les motifs de la condamnation, les infirme, n’est-t-il pas évident que, puisqu’ils étaient déjà jugés insuffisants, ils le deviennent encore plus par cette décision ? et n’est-t-il pas contraire au bon sens et à l’humanité de condamner alors l’accusé ?

Il y a plus : on voit quelquefois les jurés, incertains sur la culpabilité de l’accusé et voulant en remettre le jugement à la Cour d’assises, former arbitrairement entre eux une majorité de sept voix contre cinq :

  1. Chambre des Pairs, séance du 30 mars 1821. Discussion sur le projet de loi tendant à modifier l’article 351 du Code d’Instruction criminelle.