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ce qu’on rend sur les mises ne retourne pas au centième des joueurs et, par la publicité qu’on s’empresse de donner aux gains qui en résultent, il devient une nouvelle cause d’excitatitm à ce jeu funeste. Ainsi, quoique la loterie ne tasse entrer annuellement que ou millions dans le Trésor public, l’impôt qu’elle fait supporter à une partie considérable du peuple, et à la plus pauvre, s’élève à ou millions.

Que de faux raisonnements, que d’illusions et de préjugés la loterie fait éclore ! Elle corrompt à la fois l’esprit et les mœurs du peuple. C’est cependant vers son éducation morale que le législateur doit porter principalement sa vue. Il doit sacrifier à ce grand objet les petites considérations fiscales. Mais je soutiens qu’il ne résulterait de ce sacrifice aucune diminution dans nos finances, car ici, comme en toutes choses, ce qui est bon en soi est en même temps profitable. Le peuple, devenu plus industrieux et plus à son aise, payerait plus facilement ses impôts, consommerait davantage ; et le fisc recouvrerait, par les contributions indirectes, au delà de ce que la suppression de la loterie lui ferait perdre.

Grâces soient rendues au noble pair[1] fondateur de la Caisse d’épargne ! Cet établissement, si favorable aux mœurs et à l’industrie, diminuera les bénéfices de la loterie et ce sera l’un de ses avantages. Que le gouvernement encourage les établissements semblables dans lesquels, par un léger sacrifice de son revenu, on assure son existence et celle de sa famille pour un temps où l’on ne pourra plus suffire à ses besoins. Autant le jeu de la loterie est immoral, autant ces établissements sont avantageux aux mœurs, en favorisant les plus deux penchants de la nature. Mais ils doivent être respectés dans les vicissitudes de la fortune publique ; car, les espérances qu’ils présentent portant sur un avenir éloigné, ils ne peuvent prospérerqu’à l’abri de toute inquiétude sur leur durée. C’est un avantage que la forme heureuse de notre gouvernement leur assure. Qu’on encourage encore les

  1. M. le duc de La Rochefoucauld.