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les autres jeux publics qu’on ne tolère qu’avec peine et pour éviter un plus grand mal. Dans ceux-ci, le banquier ne prélève qu’un quarantième de la mise ; au jeu de loterie, le gouvernement en prélève le tiers. 18^\mathrm{fr} placés sur un extrait sont par là réduits à 15^\mathrm{fr}\,: ils sont réduits aux deux tiers sur un ambe, à la moitié sur un terne, et fort au-dessous sur un quaterne : voilà le désavantage physique de ce jeu. Mais leur perte, insensible pour le riche, est très sensible pour le plus grand nombre de ceux qui mettent à la loterie : c’est là son désavantage moral. Le pauvre, excité par le désir d’un meilleur sort et séduit par des espérances dont il est hors d’état d’apprécier l’invraisemblance, expose à ce jeu son nécessaire. Il s’attache aux combinaisons qui lui promettent un grand bénéfice, et l’on vient de voir combien elles sont défavorables. Ainsi tout concourt à rendre ce jeu désavantageux, tout nous fait une loi de le proscrire. Nous applaudirions l’orateur qui, pour détourner de la loterie ses auditeurs, retracerait avec force les vols, la misère, les banqueroutes et les suicides qu’elle enfante. Hàtonsnous donc d’abolir un jeu aussi contraire à la morale, et tellement désavantageux aux joueurs que la police ne le souffrirait pas au nombre des jeux publics qu’elle se croit forcée de tolérer.

On dit que les billets des loteries étrangères s’introduiraient parmi nous. Mais la surveillance du gouvernement peut les arrêter, ou du moins les rendre si rares qu’ils ne parviendraient point au peuple dans l’intérieur du royaume ; et l’on peut affirmer qu’avec un peu de vigilance les mises à ces loteries ne seraient pas un cinquantième des mises actuelles à la loterie de France. On dit encore que cet impôt est volontaire. Sans doute il est volontaire pour chaque individu ; mais, pour l’ensemble des individus, il est nécessaire ; comme les mariages, les naissances et tous les effets variables sont nécessaires, et les mêmes à peu près, chaque année, lorsqu’ils sont en grand nombre ; en sorte que le revenu de la loterie est au moins aussi constant que les produits de l’agriculture.

Cet impôt est celui qui exige le plus de frais de perception. Il pèse beaucoup plus sur le peuple qu’il ne rapporte au gouvernement ; car