Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 14.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous concevez, par les principes métaphysiques sur lesquels est fondé notre système de numération, que rien n’obligeait de s’en tenir à dix caractères ; on pouvait en employer plus ou moins.

Il parait très probable que le nombre des doigts est ce qui a déterminé l’arithmétique décimale. Les hommes primitivement ont compté par leurs doigts jusqu’à dix ; mais de ce que cette arithmétique était bonne dans l’enfance des sociétés, est-elle maintenant la meilleure ? C’est ce que nous allons examiner.

D’abord elle n’est pas la plus simple ; la plus simple est celle qui n’admet que deux caractères : le zéro et l’unité. Cette arithmétique s’appelle arithmétique binaire. Il parait qu’elle a été employée très anciennement par les Chinois ; mais, dans ces derniers temps, elle a été renouvelée par Leibnitz.

On peut également, au moyen de cette arithmétique, exprimer tous les nombres.

Les unités du second ordre contiennent deux unités du premier ordre ; les unités du troisième ordre en contiennent deux du second, etc.

Pour exprimer une unité du second ordre, on place un zéro à la droite de l’unité ; on place deux zéros à la droite de l’unité, pour exprimer une unité du troisième ordre, etc.

Ce système nous offre une propriété remarquable : c’est la possibilité de peser tous les poids entiers avec un certain nombre de poids de de de de de livres, etc. Ces poids représentent les unités des différents ordres de l’arithmétique binaire. Quand un nombre est écrit dans ce système de numération, alors il suffit de prendre les poids qui correspondent aux diverses unités de ce nombre.

Cette arithmétique a de plus l’avantage de réduire toutes les multiplications à de simples additions, et toutes les divisions à de simples soustractions ; mais elle a un inconvénient qui ne permet pas de l’employer dans l’usage civil ; c’est la multiplicité des caractères pour exprimer des nombres fort simples ; le nombre mille vingt-quatre, par exemple, exigerait onze caractères.

Aussi Leibnitz n’a présenté cette arithmétique que comme une chose