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moyen fort ingénieux, diverses expériences sur la double réfraction du cristal d’Islande, il les a trouvées conformes à cette loi remarquable. L’analogie et des expériences directes sur le cristal de roche ont fait voir à M. Malus qu’elle s’étend encore à ce cristal, et il est extrêmement vraisemblable qu’elle a lieu pour tous les cristaux qui réfractent doublement la lumière ; seulement, les constantes dont cette loi dépend varient suivant la nature du cristal.

Voici maintenant un phénomène que présente la lumière après avoir subi une double réfraction. Si l’on place à une distance quelconque, au-dessous d’un cristal d’Islande, un second cristal de la même substance et disposé de manière que les sections principales des deux cristaux soient parallèles, le rayon réfracté, soit ordinairement, soit extraordinairement par le premier, le sera de la même manière par le second ; mais, si l’on fait tourner l’un des cristaux de manière que leurs sections principales soient perpendiculaires entre elles, alors le rayon réfracté ordinairement par le premier cristal le sera extraordinairement par le second et réciproquement ; dans les positions intermédiaires, chaque rayon émergent du premier cristal se divise en deux autres à son entrée dans le second cristal. Lorsqu’on eut fait remarquer ce phénomène à Huygens il convint, avec la candeur qui caractérise un ami sincère de la vérité, qu’il était inexplicable par ses hypothèses : ce qui montre combien il est essentiel de les séparer, comme nous l’avons fait, de la loi de la réfraction extraordinaire que ce grand géomètre en avait déduite. Ce phénomène indique avec évidence que la lumière, en traversant le cristal d’Islande, reçoit deux modifications diverses en vertu desquelles une partie est réfractée ordinairement et l’autre partie est réfractée extraordinairenient ; mais ces modifications ne sont point absolues, elles sont relatives à la position des rayons par rapport au cristal, puisqu’un rayon rompu ordinairement par un cristal est rompu extraordinairement par un autre si leurs sections principales sont perpendiculaires entre elles. On peut se former une idée assez juste de ces modifications en supposant, avec Newton, dans chaque rayon de lumière, deux côtés opposés originai-