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colonne infiniment étroite du fluide, qui passe par l’axe du tube. Je m’écarte eu cela de son opinion et je pense, avec Hawskbée et beaucoup d’autres physiciens, que l’action capillaire, comme la force réfractive et toutes les affinités chimiques, n’est sensible qu’à des distances imperceptibles. Hawskbée a observé que dans les tubes de verre, ou très minces, ou très épais, l’eau s’élevait à la même hauteur, toutes les fois que les diamètres intérieurs étaient les mêmes. Les couches cylindriques du verre, qui sont à une distance sensible de la surface intérieure, ne contribuent donc point à l’ascension de l’eau, quoique dans chacune d’elles, prise séparément, ce fluide s’élèverait au-dessus de son niveau. D’ailleurs une expérience bien simple prouve la vérité de ce principe. Si l’on enduit d’une couche extrêmement mince de matière grasse la surface intérieure d’un tube de verre, on fait disparaître sensiblement refl’et capillaire. Cependant le tube agit toujours de la même manière sur la colonne fluide de son axe ; car les attractions capillaires doivent se transmettre à travers les corps, ainsi qu’on l’observe dans la pesanteur et dans les attractions et répulsions magnétiques et même électriques. Newton, Clairaut et tous les géomètres qui ont soumis au calcul ce genre d’attractions, sont partis de cette hypothèse : l’effet capillaire étant donc détruit par l’interposition d’une couche de matière grasse, quelque mince que soit son épaisseur, l’action du tube doit être insensible à une distance sensible.

Le phénomène suivant fournit une nouvelle preuve du principe que je viens d’exposer. On sait que, par une forte ébullition du mercure dans un tube capillaire de verre, on parvient à élever ce fluide au niveau, et même au-dessus, par une ébullition plus longtemps continuée. Ce phénomène me parait dépendre de la petite couche aqueuse qui, dans l’état ordinaire, tapissant la surface intérieure du tube, affaiblit l’action réciproque du verre et du mercure, action qui s’accroît de plus en plus, à mesure que, par l’ébullition de ce fluide dans le tube, on diminue l’épaisseur de la couche. Dans les expériences que j’ai faites avec M. Lavoisier sur les baromètres, en y faisant bouillir longtemps le mercure, nous avons fait disparaître la convexité de sa surface inté-