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Nous nous bornerons à dire ici que l’on est conduit à ce résultat remarquable, savoir, que la manière la plus avantageuse de combiner les équations de condition consiste à rendre minimum la somme des carrés des erreurs des observations ; ce qui fournit autant d’équations finales qu’il y a de corrections à déterminer.

La probabilité des décisions d’une assemblée dépend de la pluralité des voix, des lumières et de l’impartialité des membres qui la composent. Tant de passions et d’intérêts particuliers y mêlent souvent leur influence, qu’il est impossible de soumettre cette probabilité au Calcul. Voici cependant un résultat général auquel on est conduit par l’Analyse. Si l’assemblée est très peu éclairée sur l’objet soumis à sa décision, si cet objet exige des considérations délicates et à la portée du plus petit nombre, ou si la vérité sur ce point est contraire à des préjugés reçus, en sorte qu’il y ait plus d’un contre un à parier que chaque votant s’en écartera, il sera probable que la raison sera du côté de la minorité ; et plus l’assemblée sera nombreuse, plus il y aura lieu de craindre que la décision de la majorité soit mauvaise. Ce sera le contraire si l’assemblée est composée d’hommes instruits. Concevez, par exemple, cent personnes rassemblées indistinctement, et proposez leur de statuer sur cette question : Le Soleil tourne-t-il, chaque jour, autour de la Terre ? Il y a tout lieu de croire que la décision de la majorité sera pour l’affirmative, et cela deviendra plus probable encore si, au lieu de cent personnes, vous en supposez mille ou dix mille réunies. De là vous pouvez tirer cette conséquence, dictée par le simple bon sens : c’est qu’il importe extrêmement à la chose publique que l’instruction soit fort répandue et que la représentation nationale soit l’élite des hommes justes et éclairés. Vérité, justice, humanité, voilà les lois éternelles de l’ordre social qui doit reposer uniquement sur les vrais rapports de l’homme avec ses semblables et avec la nature ; elles sont aussi nécessaires à son maintien que la gravitation universelle à l’existence de l’ordre physique ; la plus dangereuse des erreurs est de croire que l’on peut quelquefois s’en écarter et tromper ou asservir les hommes pour leur propre bonheur ; de fatales expériences ont prouvé,