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à le jeu est donc désavantageux dans le cas même où la mise est égale au produit de la somme espérée par la probabilité de l’obtenir. On peut juger par là de l’immoralité des jeux dans lesquels la somme promise est au-dessous de ce produit : ils ne subsistent que par les faux raisonnements et la cupidité qu’ils fomentent et qui, portant le peuple à sacrifier son nécessaire à des espérances chimériques dont il est hors d’état d’apprécier l’invraisemblance, sont la source d’une infinité de maux.

Il existe, dans la répétition d’un événement avantageux, un terme fixe vers lequel le bénéfice moyen converge à mesure que l’événement se multiplie. Le bénéfice réel est de plus en plus probable et s’accroît sans cesse ; il devient certain dans l’hypothèse d’un nombre infini de répétitions et, en le divisant par leur nombre, le quotient est l’espérance mathématique elle-même ou l’avantage relatif à chaque événement. Il en est de même de la perte, qui devient certaine à la longue, pour peu que événement soit désavantageux.

Ce théorème sur les bénéfices ou les pertes est analogue à ceux que nous avons donnés précédemment sur les rapports qu’indiquent les répétitions indéfinies des événements simples ou composés ; et, comme eux, ils prouvent que la régularité finit par s’établir dans les choses les plus subordonnées à ce que nous nommons hasard.

On a construit des Tables de mortalité qui présentent toutes ce résultat affligeant, savoir : que la moitié du genre humain périt avant d’avoir terminé sa vingtième année. La manière de former ces Tables est très simple. On prend sur les registres des naissances et des morts un grand nombre d’enfants que l’on suit pendant le cours de leur vie, en déterminant combien il en reste à la fin de chaque année de leur âge, et l’on inscrit ce nombre vis-à-vis de chaque année finissante. Mais, comme dans les deux ou trois premières années de la vie la mortalité est très rapide, il faut, pour plus d’exactitude, indiquer dans ce premier âge le nombre des survivants à la fin de chaque demi-année. Les divers états de la vie offrent, à l’égard de la mortalité, des diffé-