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tielle qui doit revenir, lorsqu’on ne veut point courir les risques de l’événement, en supposant que la répartition de la somme entière se fasse proportionnellement aux probabilités. Cette manière de la répartir est la seule équitable, quand on fait abstraction de toute circonstance étrangère, parce qu’avec un égal degré de probabilité on a un droit égal sur la somme espérée. Nous nommerons cet avantage espérance mathématique, pour la distinguer de l’espérance morale, qui dépend, comme elle, de la somme espérée et de la probabilité de l’obtenir, mais qui se règle encore sur mille circonstances variables qu’il est presque toujours impossible de définir et plus encore d’assujettir au Calcul. Ces circonstances, il est vrai, ne font qu’augmenter ou diminuer la valeur du bien espéré ; alors on peut considérer l’espérance morale elle-même comme le produit de cette valeur par la probabilité de l’obtenir ; mais on doit distinguer, dans le bien espéré, sa valeur relative de sa valeur absolue. Celle-ci est indépendante des motifs qui le font désirer, au lieu que la première croit avec ces motifs.

On ne peut donner de principe général pour apprécier cette valeur relative. En voici cependant un proposé par Daniel Bernoulli, et qui peut servir dans beaucoup de cas. La valeur relative d’une somme infiniment petite est égale à sa valeur absolue divisée par le bien total de la personne intéressée. En effet, il est clair que ayant peu de valeur pour celui qui en possède un grand nombre, la manière la plus naturelle d’estimer sa valeur relative est de la supposer en raison inverse de ce nombre.

En appliquant l’Analyse à ce principe, on parvient à divers résultats conformes aux indications du sens commun, mais que l’on peut apprécier par ce moyen avec quelque exactitude. Telle est cette règle dictée par la prudence, et qui consiste à exposer sa fortune par parties à des dangers indépendants les uns des autres, plutôt que de l’exposer tout entière au même danger. Il résulte encore du même principe qu’au jeu le plus égal la perte est toujours relativement plus grande que le gain. Ainsi, l’on trouve qu’en supposant la fortune des joueurs de et leur mise au jeu de leur fortune se trouve réduite