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Si l’on multiplie indéfiniment les observations ou les expériences, leur résultat moyen converge vers un terme fixe, de manière qu’en prenant de part et d’autre de ce terme un intervalle aussi petit que l’on voudra, la probabilité que le résultat moyen tombera dans cet intervalle finira par ne différer de la certitude que d’une quantité moindre que toute grandeur assignable. Ce terme est la vérité même si les erreurs positives et négatives sont également faciles ; et, généralement, il est l’abscisse de la courbe de facilité des erreurs correspondant au centre de gravité de l’aire de cette courbe, l’origine des abscisses étant celle des erreurs.

Ainsi, le résultat moyen d’un grand nombre d’observations futures sera le même à très peu près que celui d’un grand nombre d’observations semblables déjà faites.

Les événements qui dépendent du hasard offrent dans leur ensemble une régularité qui parait tenir à un dessein, mais qui n’est au fond que le développement de leurs possibilités respectives. Le rapport des naissances annuelles des garçons à celles des filles, dans les grandes villes telles que Paris et Londres, en est un exemple. Ce rapport est très peu variable ; on a cru voir dans cette constance une preuve de la Providence qui gouverne le monde ; mais elle n’est qu’un résultat du premier des théorèmes précédents, suivant lequel ce rapport doit toujours coïncider à peu près avec celui des facilités de naissance des deux sexes. On peut même en conclure, comme loi générale, que les rapports des effets de la nature, tels que celui des naissances à la population, ou des mariages aux naissances, sont à fort peu près constants quand ces effets sont considérés en très grand nombre. Ainsi, malgré la grande variété des années, la somme des productions, pendant un nombre d’années considérable, est sensiblement la même ; en sorte que l’homme peut, par une utile prévoyance, se mettre a l’abri de l’irrégularité des saisons en répandant également sur tous les temps les biens que la nature lui distribue d’une manière inégale. Je n’excepte pas même de la loi précédente les effets dus aux causes morales : à Paris, le nombre des naissances annuelles, depuis un grand nombre