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d’un même événement simple sans accroître cependant la probabilité de sa première arrivée, puisque l’on est censé ignorer d’abord les événements que ces causes favorisent. Ainsi, au jeu de croix et pile, l’inégalité inconnue qui, selon toute vraisemblance, existe entre les facilités des deux faces, n’augmente point la probabilité d’amener croix ou pile au premier coup ; mais elle augmente la probabilité d’amener l’un ou l’autre deux fois de suite, probabilité qui serait \frac{1}{4} si les facilités des deux faces étaient parfaitement égales.

Dans un grand nombre de cas, et ce sont les plus intéressants de l’analyse des hasards, les possibilités des événements simples sont inconnues, et nous sommes réduits à chercher dans les événements passés les indices qui peuvent nous guider dans nos conjectures sur les causes dont ils dépendent. Mais de quelle manière ces événements nous dévoilent-ils, en se développant, leurs causes et leurs possibilités respectives ? C’est un problème dont la solution exige une analyse très délicate. Cette analyse conduit au théorème suivant :

Lorsqu’un événement, composé de plusieurs événements simples, tel qu’une partie de jeu, a été répété un grand nombre de fois, les possibilités des événements simples qui rendent ce que l’on a observé le plus probable sont celles, que l’observation indique avec le plus de vraisemblance ; à mesure que l’événement composé se répète, cette vraisemblance augmente sans cesse et finit par se confondre avec la certitude, dans la supposition d’un nombre infini de répétitions.

Il y a ici deux sortes d’approximations ; l’une d’elles est relative aux limites prises de part et d’autre des possibilités qui donnent au passé le plus de vraisemblance ; l’autre approximation se rapporte à la probabilité que ces possibilités tombent dans ces limites. La répétition de l’événement composé accroît de plus en plus cette probabilité, les limites restant les mêmes ; elle resserre de plus en plus l’intervalle de ces limites, la probabilité restant la même ; dans l’infini cet intervalle devient nul, et la probabilité se change en certitude. La même analyse conduit encore à cet autre théorème :