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terminée, mais infiniment petite, et que l’on néglige les infiniment petits d’ordre supérieur relativement à ceux d’un ordre inférieur, ou aura une équation aux différences infiniment petites, dont l’intégrale est celle de l’équation aux différences finies, dans laquelle on néglige pareillement les infiniment petits par rapport aux quantités finies.

Les quantités qu’on néglige dans ces passages du fini à l’infiniment petit semblent ôter au calcul infinitésimal la rigueur des résultats géométriques ; mais pour la lui rendre il suffit d’envisager les quantités que l’on conserve dans le développement d’une équation aux différences finies et de son intégrale, par rapport aux puissances de la différence indéterminée, comme ayant toutes pour facteur la plus petite puissance dont on compare entre eux les coefficients. Cette comparaison étant rigoureuse, le calcul différentiel, qui n’est évidemment que cette comparaison même, à toute la rigueur des autres opérations algébriques. Mais la considération des infiniment petits de différents ordres, la facilité de les reconnaître a priori par l’inspection seule des grandeurs, et l’omission des infiniment petits d’un ordre supérieur à celui que l’on conserve, à mesure qu’ils se présentent, simplifient extrêmement les calculs et sont l’un des principaux avantages de l’Analyse infinitésimale, qui d’ailleurs, en réalisant les infiniment petits et leur attribuant de très petites valeurs, donne, par une première approximation, les différences et les sommes des quantités.

Le passage du fini à l’infiniment petit a l’avantage d’éclairer plusieurs points de l’Analyse infinitésimale qui ont été l’objet de grandes contestations parmi les géomètres. C’est ainsi que, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour l’année 1779[1], j’ai fait voir que les fonctions arbitraires qu’introduit l’intégration des équations différentielles partielles pouvaient être discontinues, et j’ai déterminé les conditions auxquelles cette discontinuité doit être assujettie. Les résultats transcendants de l’Analyse sont, comme toutes les abstractions de l’entendement, des signes généraux dont on ne peut déterminer la véritable étendue qu’en remontant, par l’Analyse métaphy-

  1. Œuvres de Laplace, T. X, p. 59.