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nature et perfectionné par des comparaisons multipliées de ses indications avec l’expérience, suppléent, autant que cela se peut, les applications de l’Analyse.

C’est par l’analogie que nous attribuons des effets semblables à la même cause ou à des causes semblables, et réciproquement ; ainsi nous jugeons que des êtres pourvus des mêmes organes, exécutant les mêmes choses et communiquant ensemble, éprouvent les mêmes sensations. C’est encore ainsi qu’en voyant le Soleil faire éclore, par l’action bienfaisante de sa lumière et de sa chaleur, les plantes et les animaux qui couvrent la Terre, nous jugeons qu’il produit des effets semblables sur les autres planètes ; car il n’est pas naturel de penser que la matière dont nous observons la fécondité se développer en tant de façons est stérile sur une aussi grosse planète que Jupiter qui, comme le globe terrestre, à ses jours, ses nuits et ses années, et sur lequel les observations indiquent des changements qui supposent des forces très actives. Mais ce serait donner trop d’extension à l’analogie que d’en conclure la similitude des habitants des pianotes avec ceux de la Terre. L’homme fait pour la température dont il jouit à sa surface ne pourrait pas, selon toute apparence, vivre sur les autres planètes. Mais ne doit-il pas y avoir une infinité d’organisations relatives aux diverses températures des globes de cet Univers ? Si la seule différence des éléments et des climats met tant de variété dans les productions terrestres, combien plus doivent différer celles des diverses planètes et de leurs satellites ? L’imagination la plus active ne peut s’en former aucune idée ; mais leur existence est au moins fort vraisemblable.

Vous avez vu que souvent les lois des expressions analytiques se manifestent dans leurs premiers termes, et que celles de la nature sont indiquées par un petit nombre d’observations ; le propre du génie est de les démêler au milieu des circonstances dont elles sont enveloppées, et de les exposer dans un jour tel qu’il soit impossible de les méconnaître. Ce moyen d’y parvenir se nomme induction ; pour en accroître la probabilité, on forme de nouveaux termes, ou l’on fait de nouvelles observations, et, si les lois dont on a soupçonné l’existence continuent