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peuvent l’écarter sensiblement de la sphère et la rendre fort compliquée. De petites variations observées dans la grandeur des degrés du méridien en France indiquaient ces écarts ; mais les erreurs inévitables des observations laissaient des doutes sur cet intéressant phénomène, et l’Académie des Sciences, dans le sein de laquelle cette grande question fut vivement agitée, jugea avec raison que la différence des degrés terrestres, si elle était réelle, se manifesterait principalement dans la comparaison des degrés mesurés à l’équateur et vers les pôles. Elle envoya des académiciens à l’équateur même ; et ils y trouvèrent le degré décimal du méridien, égal à plus petit de que le degré correspondant au parallèle moyen. D’autres académiciens se transportèrent au Nord, à environ de latitude, et le degré décimal du méridien y fut observé de plus grand de qu’à l’équateur. Ainsi l’accroissement des degrés des méridiens de l’équateur aux pôles fut incontestablement prouvé par ces mesures ; et il fut reconnu que la Terre n’est pas exactement sphérique.

Ces voyages fameux des académiciens français ayant dirigé vers cet objet l’attention des observateurs, de nouveaux degrés des méridiens furent mesurés en Italie, en Allemagne, en Afrique et en Pensylvanie ; toutes ces mesures concourent à donner à la Terre une figure aplatie aux pôles.

L’ellipse étant, après le cercle, la plus simple des courbes rentrantes, on regarda la Terre comme un solide formé par la révolution d’une ellipse autour de son petit axe. Son aplatissement dans le sens des pôles est nécessairement indiqué par l’accroissement observé des degrés des méridiens des pôles à l’équateur. Les rayons de ces degrés étant sur le prolongement des lignes verticales ou dans la direction de la pesanteur, ils sont, par la loi de l’équilibre des fluides, perpendiculaires à la surface des mers dont la Terre est en grande partie recouverte. Ils n’aboutissent pas, comme dans la sphère, au centre de l’ellipsoïde ; ils n’ont ni la même direction ni la même grandeur que les rayons menés de ce centre à la surface, et qui la coupent obliquement partout ailleurs qu’à l’équateur et aux pôles. La rencontre de