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MÉMOIRE SUR LA THÉORIE

toutes les parties de la matière, mais sur la supposition d’une tendance des molécules des anneaux vers plusieurs centres d’attraction, elle ne doit être regardée que comme une hypothèse ingénieuse, propre tout au plus à faire entrevoir la possibilité des anneaux dans le cas de la nature. En appliquant à cet objet les recherches que j’ai données dans nos Mémoires de 1782 [1], sur les attractions des sphéroïdes et sur la figure des planètes, je suis parvenu aux résultats suivants, que je ne présente que comme un essai d’une théorie de l’anneau de Saturne, qui pourra être perfectionnée lorsque de nouvelles observations faites avec de grands télescopes auront fait connaître le nombre et les dimensions des anneaux dont il paraît formé.

Je supposerai, comme les géomètres l’ont fait dans leurs recherches sur la figure des astres, qu’une couche infiniment mince de fluide répandue sur la surface de l’anneau y resterait en équilibre, en vertu des forces dont elle serait animée. Cette hypothèse est la seule admissible ; il est, en effet, contre toute vraisemblance de supposer que l’anneau ne se soutient autour de Saturne que par adhérence de ses molécules, car alors les parties voisines de la planète, sollicitées par l’action toujours renaissante de la pesanteur, se seraient, à la longue, détachées de l’anneau qui, par une dégradation insensible, aurait fini par se détruire ainsi que tous les ouvrages de la nature qui n’ont point eu les forces suffisantes pour résister à l’action des causes étrangères. C’est par les conditions de l’équilibre de ce fluide que la figure de l’anneau doit être déterminée ; pour cela, je vais rappeler quelques-uns des résultats généraux sur les attractions des sphéroïdes que j’ai donnés dans les Mémoires cités.

II.

Considérons l’attraction d’un sphéroïde sur un point quelconque Soient les coordonnées de ce point ; soit une molécule du sphéroïde ; les coordonnées de cette molécule ; si l’on

  1. Œuvres de Laplace, t. X.