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SUR L’ÉQUATION SÉCULAIRE DE LA LUNE.

effet, M. de Lambre a déterminé, au moyen d’un grand nombre d’observations du dernier siècle et de celui-ci, le mouvement séculaire actuel de la Lune, avec une précision qui laisse à peine une incertitude de quelques secondes ; il ne l’a trouvé que de vingt-cinq secondes environ plus petit que celui de Mayer, tandis que les observations anciennes s’accordent à donner un mouvement séculaire moindre de trois ou quatre minutes. Le mouvement de la Lune s’est donc accéléré depuis les Chaldéens, et, les observations arabes faites dans l’intervalle qui nous en sépare venant à l’appui de ce résultat, il est impossible de le révoquer en doute.

Maintenant, quelle est la cause de ce phénomène ? la gravitation universelle, qui nous a fait connaître si exactement les nombreuses inégalités de la Lune, rend-elle également raison de son équation séculaire ? Ces questions sont d’autant plus intéressantes à résoudre que, si l’on y parvient, on aura la loi des variations séculaires du mouvement de la Lune, qui nous est encore inconnue, car on sent bien que l’hypothèse d’une accélération proportionnelle aux temps, admise par les astronomes, n’est qu’approchée et ne doit point s’étendre à un temps illimité.

Les géomètres se sont fort occupés de cet objet, et l’Académie en a fait plusieurs fois le sujet de ses prix ; mais les recherches que l’on a tentées à cet égard n’ont fait découvrir, soit dans l’action du Soleil et des planètes sur la Lune, soit dans les figures non sphériques de ce satellite et de la Terre, rien qui puisse sensiblement altérer le moyen mouvement de la Lune ; et, pour expliquer son équation séculaire, on a été forcé de recourir à différentes hypothèses, telles que la résistance de l’éther, la transmission successive de la gravité, l’action des comètes, etc.

Cependant, la correspondance des autres phénomènes célestes avec la théorie de la pesanteur est si parfaite et si satisfaisante que l’on ne peut voir sans regret l’équation séculaire de la Lune se refuser à cette théorie et faire seule exception à une loi générale et simple dont la découverte, par la grandeur et la variété des objets qu’elle embrasse.