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THÉORIE DE JUPITER ET DE SATURNE.

semblables et le même accord ; la pesanteur universelle est donc la véritable cause des variations observées dans les mouvements de Jupiter et de Saturne. La précision avec laquelle ces deux planètes ont obéi dans tous les temps aux lois que la Géométrie leur assigne en vertu de leur action mutuelle est un des objets les plus curieux du système du monde. Il aurait fallu plusieurs siècles d’observations suivies pour déterminer empiriquement ces inégalités à cause de la longueur de leurs périodes ; ainsi, sur ce point, la théorie de la pesanteur a devancé l’observation. Cette confirmation nouvelle d’une loi qui s’accorde admirablement avec tous les phénomènes célestes, et à laquelle les seuls dérangements de Jupiter et de Saturne semblaient faire exception, ne laisse aucun doute sur son existence et sur ses avantages, en sorte que ses résultats doivent obtenir la même confiance que les observations les plus précises.

Il restait cependant encore un phénomène céleste, l’accélération du moyen mouvement de la Lune que l’on n’avait pu, jusqu’ici, ramener aux lois de la pesanteur : les géomètres qui s’en étaient occupés avaient conclu de leurs recherches qu’il ne peut être produit par la gravitation universelle, et, pour l’expliquer, on avait eu recours à différentes hypothèses, telles que la résistance de l’éther, la transmission successive de la gravité, l’action des comètes, etc. Mais, après diverses tentatives, je suis enfin parvenu à découvrir la véritable cause de ce phénomène. J’ai trouvé que l’équation séculaire de la Lune résulte de l’action du Soleil sur ce satellite, combinée avec la variation de l’excentricité de l’orbite terrestre. Elle est périodique et dépend des mêmes arguments que le carré de cette excentricité : quand celle-ci diminue, comme cela a lieu constamment depuis les observations les plus anciennes jusqu’à nous, cette équation accélère le moyen mouvement de la Lune ; elle le ralentit quand l’excentricité vient à croître. Cette théorie s’accorde aussi exactement qu’on peut le désirer avec les observations les plus anciennes, et, par là, elle complète le système de la pesanteur universelle dont tous les phénomènes célestes, sans exception, concourent maintenant à démontrer la vérité.