Page:Lao-Tseu - Le livre de la voie et de la vertu - traduction Stanislas Julien, 1842.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


(3) E : L’auteur parle ici des hommes du siècle, qui sont passionnément attachés à la vie mondaine et qui ne connaissent pas le Tao. L’expression sing-sing 生生 signifie « chercher à alimenter sa vie. » Comment se fait-il qu’en cherchant avidement le bonheur ils trouvent le malheur ? C’est parce qu’ils ne songent qu’à contenter leurs passions et à satisfaire leurs intérêts privés ; ils ne savent pas que plus ils sont ardents à chercher les moyens de vivre, plus ils approchent de la mort.

D : Les monstres des mers trouvent que les abîmes ne sont pas assez profonds et s’y creusent encore des retraites ; les vautours et les aigles trouvent les montagnes trop basses, et ils élèvent encore leur nid au-dessus d’elles ; ni la flèche du chasseur, ni les filets du pêcheur ne peuvent les atteindre. Ils semblent placés dans des lieux inaccessibles à la mort ; mais l’appât de la nourriture les fait sortir des abîmes et descendre des hauteurs, et ils ne tardent pas à périr. De même les besoins de la vie matérielle et le goût effréné des plaisirs, entraînent l’homme à sa perte.


(24) Pi-ching : Un ancien disait : Celui qui aime la vie peut être tué ; celui qui aime la pureté peut être souillé ; celui qui aime la gloire peut être couvert d’ignominie ; celui qui aime la perfection peut la perdre. Mais si l’homme reste étranger à la vie (corporelle), qui est-ce qui peut le tuer ? S’il reste étranger à la pureté, qui est-ce qui peut le souiller ? S’il reste étranger à la gloire, qui est-ce qui peut le déshonorer ? S’il reste étranger à la perfection, qui est-ce qui peut la lui faire perdre ? Celui qui comprend cela peut se jouer de la vie et de la mort.

Liu-kie-fou : Pourquoi l’homme peut-il être blessé par la corne du rhinocéros, par les ongles du tigre, par l’épée du soldat ? Parce qu’il a un corps. S'il sait se dégager de son corps, intérieurement il ne verra plus son corps ; extérieurement il ne verra plus les objets sensibles. La mort ne pourra l’atteindre par aucun endroit.