Page:Langlois - Rig Véda.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
[Lect. I.]
INDE. - POÉSIE LYRIQUE.

2. Nous invoquons les Aswins, ces deux divinités habitantes du ciel, et qui se distinguent par leur habileté à conduire un char brillant.

3. Ô Aswins de votre fouet qu’humectent nos libations, que fortifient nos prières, touchez notre sacrifice.

4. Non loin de vous est la maison où vous dirigez votre char, ô Aswins ! (la maison) de celui qui vous offre le soma.

5. J’appelle à notre secours Savitri[1] à la main d’or[2] ; ce dieu voit bien le lieu (où l’invoquent ses serviteurs).

6. Célèbre, pour obtenir sa protection, Savitri, enfant des libations[3]. Nous voulons en son honneur accomplir l’œuvre sainte.

7. Nous invoquons Savitri, qui est l’œil des mortels, (Savitri) à qui nous devons et nos demeures et toutes nos richesses.

8. Amis, placez-vous ; nous avons à chanter Savitri. C’est lui qui donne l’opulence et qui brille (au ciel).

9. Ô Agni, amène ici, pour prendre part à nos libations, Twachtri et les épouses chéries des dieux[4].

10. Agni toujours jeune, amène en ces lieux, pour notre bien, ces épouses divines. Hotrâ[5], Bhâratî[6], Varoutrî[7], Dhichanâ[8].

11. Que ces déesses, amies des hommes, nous couvrent de leur haute faveur, et nous donnent la prospérité ; que rien ne blesse leur aile (protectrice).

12. J’appelle ici Indrânî, Varounânî, Agnâyî[9] ; je les vénère, et les invite aux libations de soma.

13. Que le grand Ciel et la Terre agréent notre sacrifice, et qu’en récompense ils nous comblent de leurs biens.

14. Par leurs prières les sages, dans ce lieu où siège Gandharva[10], recueillent le lait du Ciel et de la Terre.

15. Ô Terre, sois pour nous une habitation large et fortunée : donne-nous bonheur et gloire.

16. Que les dieux nous protègent de cette région d’où Vichnou[11] s’est élancé, (excité) par nos sept genres d’invocations[12].

17. Oui, d’ici Vichnou s’est élancé ; trois fois il a foulé un sol[13] empreint de la poussière de son pied.

18. Vichnou, sauveur invincible, gardien des devoirs sacrés, en trois stations a fourni sa carrière.

19. Considérez donc les actes de Vichnou, par lesquels cet ami, ce compagnon d’Indra, indique (à l’homme pieux) le moment des sacrifices.

  1. Savitri est un nom du Soleil.
  2. Les mains et bras de ces dieux, ce sont leurs rayons. On conte à ce sujet une légende. Dans un sacrifice, Savitri s’acquittait des fonctions de prêtre. Ses acolytes lui présentant une offrande appelée prâsitra, la main du prêtre se trouva coupée. On en fit une autre d’or, qu’on adapta à son bras. Voici l’explication de cette légende : le grand sacrifice accompli par le Soleil, c’est la fonction qu’il accomplit dans ce monde. L’offrande prâsitra, c’est le nuage qui intercepte et coupe les rayons du Soleil. Le Soleil, ce grand Papi, c’est-à-dire le grand buveur, ne peut manquer de recouvrer ces mains d’or qui ne lui ont été enlevées qu’un moment.
  3. Le mot napât se présente souvent, et on le traduit de diverses manières. Je n’ai pas cru que des auteurs pussent ainsi se jouer avec la langue, et donner à un même mot, suivant leur caprice, un sens différent. J’ai cherché pour le mot napât une signification uniforme, et qui convint à toutes les circonstances ; je me suis décidé pour le mot enfant, et j’ai rejeté toutes les explications ingénieuses qui menaient à un autre sens. Dans la circonstance présente, Savitri, c’est-à-dire le Soleil, est l’enfant des libations, dans ce sens que le sacrifice donne naissance au feu terrestre, et ensuite au feu céleste, qui est le Soleil. C’est ce qu’on verra développé plus loin dans beaucoup de passages.
  4. Nous avons vu, lecture 1, not. 4, p. 8, c. 2, que les épouses des dieux étaient les prières particulières que l’on dit en l’honneur de chacun d’eux.
  5. Hotrâ, dit le commentateur, est l’épouse d’Agni, surnommé Homanichpâda. C’est la personnification de l’invocation faite au moment de l’holocauste. Ce mot signifie encore hymne.
  6. Bhâratî est donnée comme l’épouse d’Aditya. Voyez encore, note 1, 1re col., pag. 3.
  7. Varoutrî est désigné par le commentateur sous le synonyme de Varanîya ; il semblerait que c’est la déesse qui préside à la prière par laquelle on demande une grâce, vara. Varoutrî est peut-être un nom d’Ilâ.
  8. Dhichanâ est la pensée, l’intelligence, l’esprit. Ce mot s’emploie pour signifier prière. Le commentaire confond Dhichanâ avec Saraswatî, appelée Vâgdévi, déesse de la parole. Voy. note 1, 1re col. pag. 3.
  9. Épouse d’Indra, de Varouna et d’Agni.
  10. Gandharva est, je crois, un nom d’Agni ; c’est quelquefois aussi une épithète du Soleil.
  11. Vichnou est un des noms du Soleil. Le texte porte le mot prithivi, qui s’emploie d’une manière générale pour signifier toute espèce de région, et d’une manière particulière pour signifier la terre. Le Soleil, en effet, semble partir de la terre, dont il peut se dire le fils.
  12. Le commentateur entend ici les sept espèces de mètres ou tchhandas qui servent à composer les hymnes. Ne serait-ce pas plutôt une allusion aux sept rayons que l’on donne à la lumière ? Le poëte n’a-t-il pas voulu représenter le Soleil avec une auréole de sept rayons ?
  13. Ce sol, c’est tantôt la terre, tantôt la voûte du ciel, puisque les trois endroits foulés par le Soleil sont l’orient, Samârohana ou la colline du levant ; en second lieu, le midi, Vichnoupada ou le méridien céleste ; et enfin, l’occident, Gayasiras ou les collines du couchant. Tels sont les trois pas ou stations de Vichnou, surnommé Trivicrama, qui ont donné naissance à une grande fiction pouranique.