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ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE.

d’imaginer une classification méthodique, assez compréhensive pour tout embrasser, assez rigoureuse pour que les recherches soient faciles. Mais ce qu’il aurait fallu établir préalablement, c’est que, une dois constitué, cet immense inventaire payerait, en services positifs, ce qu’il aurait coûté de peines. Certes, il est relativement aisé d’accumuler plusieurs millions de fiches bibliographiques en découpant et en collant, ou en transcrivant, sur des morceaux de papier fort, les litres qui se trouvent dans les Catalogues des grandes bibliothèques et dans les Tables des revues. Il est encore assez aisé, quoique cela le soit déjà moins, de classer ces millions de fiches, non seulement dans l’ordre alphabétique des noms d’auteurs (ce qui va de soi), mais encore dans des cadres méthodiques, plus ou moins ingénieusement agencés. Mais cet immense instrument de travail, si encombrant, si coûteux — si incomplet et si grossier, quel que soit le procédé employé pour la collection des fiches, — remplacerait-il avantageusement, ou même compléterait-il d’une manière appréciable les nombreux instruments bibliographiques, dus à des spécialistes, qui existent dès à présent ? — Sous la rubrique « Dante », le Catalogue universel fournira le relevé de 20 à 30 000 articles bibliographiques dont les titres renferment le mot « Dante », indiquent (ou paraissent indiquer) qu’il y est question de Dante. Mais le Catalogue universel, fait avec des ciseaux, ne distinguera pas ceux de ces articles qui n’ont plus ou qui n’ont jamais eu aucune valeur de ceux qui dispenseraient d’en lire cent. La moindre « Bibliographie dantesque », dressée par un homme qui a pratiqué les ouvrages qu’il énumère, et qui introduit de la perspective dans ses énumérations, sera toujours préférée à cette liasse de 20 000 fiches, confectionnée brutalement, à la mécanique. — Vingt mille fiches sur Dante, sans avertissements et sans détails ? Il n’y a rien qui soit plus propre à aggraver ces sentiments d’embarras, d’accablement et de paralysie que la surabondance souvent stérile de la littérature contemporaine détermine chez les gens scrupuleux, et que le rôle naturel des instruments bibliographiques est justement de dissiper ou, tout au moins, d’atténuer[1].

  1. Voyez, sur cette question, mon article précité, l’article de G. Fumagalli qui s’y trouve indiqué, et l’ouvrage cité de Fr. Milkau. Cf. La Grande Revue, oct. 1900, p. 25-32.