Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 83 —

rais voulu que la terre s’ouvrît pour m’engloutir, pour y enfouir ma honte et mon désespoir. L’homme au visage accueillant dit encore : « La vieille n’est plus là, mais si vous voulez coucher, on vous recevra de grand cœur. » Je balbutiai un remerciement, disant que je voulais faire encore un bout de chemin, et je tournai le dos à la maisonnette blanche dont jamais je n’aurais osé franchir le seuil. Je marchai au hasard, traînant mon âme lourde de tous les remords de l’assassin…

Depuis longtemps le jour avait disparu. Dans la vague obscurité du soir, je voyais moutonner la mer des feuilles et se profiler la cime des sapins, comme des mâts immobiles. De partout, autour de moi, montait la sourde fermentation des sèves et le mystérieux épanouissement des forêts… J’étais seul, près des bois immenses. Là, loin de toute habitation, je criai ma douleur comme une bête sauvage. Mes cris et mes sanglots se répercutaient de gouffre en gouffre, de profondeur en profondeur. À pleine voix je suppliai la pauvre morte de m’écouter, de me pardonner ; je l’implorai comme une sainte. De toutes mes forces je criais : « Ma grand’mère, ayez pitié de moi ! »