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Donc, hier, elle vint me chercher pour aller chez une de ses tantes, à l’extrémité du village. Elle conduit elle-même la voiture, et aussi adroitement qu’un homme. Le cheval est bon, mais le chemin ne l’est pas. Quel chemin ! C’est une route en ébauche seulement. Des souches, des branches tombées, des roches, des trous. Le quatre-roues y monte, et y descend comme un bateau sur la mer… Parfois nous nous tenions toutes deux à bras-le-corps et nous avons ri comme des enfants… Oh ! ce chemin, ce qu’il nous donne d’émotions ! Mais les gens des bois sont habitués aux émotions.

Un ciel limpide brillait dans les éclaircies. Un merle, caché dans les feuilles, chantait à tue-tête. Comment décrire le charme de ces promenades en voiture dans les chemins de montagnes ? Un monde de merveilles respire autour de nous. Quand nous heurtons au passage quelques branches trop longues, on dirait que toute la forêt frémit. Un immense frisson court d’un arbre à l’autre. Est-ce que les bois ont peur ?… Que de vie, que de rayonnements, que d’ombres aussi belles que la lumière elle-même ! L’eau murmure dans