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27 mai — L’horizon est d’un gris très pur. Les sapins tendent leurs branches résineuses vers la lumière. Les fougères tissent leurs feuilles en dentelle. Les lierres s’attachent au tronc des chênes. Les bouleaux pâles, et les aulnes rieurs se penchent sur les lacs : jeune famille mirant leur jeune visage… L’herbe pousse follement ; je crois l’entendre grandir… Les bluets et les fraises montrent leurs petites fleurs blanches parmi le vert enchevêtrement des feuilles. L’iris d’eau ouvre son cœur bleu, tout plein des ombres de la nuit… Mais la nature n’est plus la même pour moi. Un voile noir la recouvre à mes yeux depuis que ma mère est morte… Je suis comme un oiseau dont le nid a été dévasté ; je ne sais plus comment ouvrir mes ailes… Oh ! ma mère ! Oh ! ma mère ! Vous, la dévouée, la silencieuse, la résignée, la souriante ; vous, la courageuse qui ne reculait devant aucun travail, la vaillante qui ne s’arrêtait devant aucun sacrifice, vous dont le sourire était plus fidèle que la lumière du matin, la bonté plus certaine que l’air du jour, oh ! ma mère, comment m’habituer à ne plus vous voir ?… Tant de choses entretiennent votre souvenir ! La chaise où vous étiez