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forêts, dit mon père, ce sont deux mâles qui se livrent une lutte acharnée, et, maintenant, leurs bois sont tellement liés qu’ils ne peuvent plus se séparer… C’est le temps de leur loger chacun une balle dans la tête… Remercions Dieu, c’est lui qui nous envoie cette chance ! Allumez la lampe, et placez-la dans la fenêtre afin que la lumière tombe sur les deux bêtes… Toi, Louis, charge ma carabine, et tous ensemble vous allez me soutenir par les épaules, car je ne suis pas fort comme Samson… En appuyant mon fusil comme cela, sur le coin de la maison, je suis juste de la bonne hauteur… Tenez-moi bien… » Nous le soutenions de toutes nos forces par les épaules et par les coudes. La lueur de la lampe tombait sur le dos des deux bêtes, qui haletaient, immobiles, se reposant, sans doute, pour reprendre ensuite leur terrible combat. Le bras de mon père tremblait de faiblesse, mais il est trop bon chasseur pour ne pas atteindre son but. Une détonation retentit… puis une autre… Les deux orignaux tombèrent presque ensemble, l’un atteint dans la tête, et l’autre dans le cou. Mon père, épuisé, s’écroula sur une chaise, le fusil à ses côtés. Il était fou de joie.