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La belle Octavie court ouvrir ses tiroirs. Il y a un bout de laine verte qui reste d’un veston tricoté pour le pauvre père Joson, l’an dernier, mais rien de couleur jaune. Chez les bonnes voisines elle ne trouve rien non plus. Il faut donc aller au magasin du village pour chercher un paquet de teinture. Aussitôt la brunante venue, pendant que la malade repose, elle se rend à pied au village, et revient toute trempée par une pluie torrentielle qui l’a surprise en chemin. Mais elle a la précieuse teinture jaune. En peu de temps la laine est teinte et mise au grand vent pour sécher.

Dès qu’il fait nuit, avec hâte, avec joie, elle commence son tricot. Dans sa petite chambre froide, sous la lampe fumeuse, elle crée la feuille de laine, qui, aux yeux de la chère vieille, éternisera la vraie feuille, la feuille du peuplier. Un vieux fil d’acier est ensuite passé autour et dissimulé avec soin. Voici maintenant la feuille artificielle prête à prendre place sur la branche desséchée. Il n’y a pas de temps à perdre. Déjà le jour commence à poindre. Et la dernière feuille est sur le point de tomber. Allons, vite à l’ouvrage ! Avec des précautions infinies, la noble fille entasse roches et souches au