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UN CONTE CANADIEN

« Vous rappelez-vous que notre père nous avait souvent raconté qu’il avait traversé la mer Bleue dans un grand bâtiment à voiles. Je crois que nous sommes arrivés à la mer Bleue, mais nous n’avons pas de bâtiment à voile pour la traverser. — Qu’à cela ne tienne, ajouta le plus jeune, nous sommes capables de traverser à la nage. » C’est cela, crièrent tous les frères en chœur, traversons à la nage ? Ils se déshabillèrent donc, attachèrent leurs habits et leurs provisions sur le dos et se jetèrent courageusement à la nage dans le champ bleu de lin fleuri.

Ils se démenaient des pieds et des mains, tiraient des touffes de lin pour s’aider à avancer, et de temps à autre celui qui arrivait près d’une raie profonde s’écriait : « Attention vous autres ! voilà une vague qui s’avance par ici ! » Et c’est ainsi qu’à force de se débattre et de traîner sur le ventre, ils arrivèrent plus morts que vifs de l’autre côté de la pièce de lin, tout près d’un vieux puits abandonné.

Après avoir abattu la sueur qui coulait sur son front, et s’être reposé un instant : le plus âgé des garçons dit : « À présent il faut se compter afin de s’assurer qu’aucun de nous ne s’est noyé dans le sillage que nous avons fait