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RENCONTRES ET ENTRETIENS

C’était le printemps tard, j’avais été envoyé faire des commissions dans un village voisin. Avant d’arriver à l’entrée du village, depuis quelque temps je suivais des yeux un homme qui était évidemment en boisson, car il marchait en titubant et caracolant faisant des enjambées des plus grotesques. De temps à autre je le voyais venir s’arrêter soit sur un poteau de télégraphe ou sur un arbre très nombreux en cet endroit. Une dernière fois je le vois se frapper sur un arbre, si rudement qu’il ploya sur ses genoux et roula par terre ; je le crus assommé. Mais non, il se releva, alla s’asseoir sur les marches d’un perron d’une maison en face, cracha, tira un chiffon de sa poche et commença à éponger la blessure qu’il s’était infligée à la figure. Peu de temps après je passai vis-à-vis en jetant un regard de pitié à cet être rempli de sale boisson enivrante. Comme je passais il me cria :

« Aie ! monsieur, êtes-vous canadien vous, monsieur ?

Certainement, qu’est-ce qu’il y a ? Il y a, qu’il y a ben du monde sur la rue aujourd’hui, qu’on n’est pas capable de faire un pas sans se frapper sur quelqu’un, je suis venu m’asseoir à cette place, afin de laisser passer la procession. Pouvez-vous me dire quelle fête qu’il y a par