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paisible, silencieux, et pour ainsi dire invisible à côté de vous. Seulement, si la conversation prenait un tour philosophique ou sentimental, si l'on se trouvait en face d'un de ces grands problèmes de la pensée, si l'on passait devant un beau site, si l'on s'arrêtait devant une peinture, si l'on écoutait une musique, si on lisait une page, le mot juste que chacun cherchait pour rendre sa sensation sortait à voix basse de sa bouche ; il avait mieux vu, mieux compris, mieux senti, mieux deviné, mieux révélé que tout le monde. On se taisait et l'on admirait, et lui-même rentrait dans sa modestie et dans son silence. Grande et belle âme qui aurait pu produire, et qui resta stérile à force de sentiment et de perfection.

Le dix-septième recueillement, adressé en réponse à une admirable épître de M. Adolphe Dumas, jeune poète qui a grandi depuis et qui grandit encore, est une de mes poésies que je relis avec le plus d'indulgence paternelle. Elle a la facilité du loisir, l'insouciance de l'homme qui s'endort, la sérénité du bonheur. J'étais oisif, insouciant, heureux, quand je l'écrivis au pied d'un chêne à Saint-Point, un jour d'été, en 1838. En la relisant, j'y sens encore le rayon sur ma page, le tremblement de la feuille sur mon papier, le vent rafraîchissant du champ de blé sur mon front. Je venais de lire, peu de jours avant, quelques épîtres d'Horace et de Voltaire, le Sévigné immortel de la poésie familière. J'ai moi-même un