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tenter, de l’aveu de son père, un mariage difficile avec mademoiselle de Marignan, riche héritière d’une des grandes maisons de Provence, il s’exerce, comme un lutteur, aux ruses et aux audaces de la politique sur ce petit théâtre d’Aix. Astuce, séduction, bravoure, il déploie toutes les ressources de sa nature pour réussir : il réussit ; mais à peine est-il marié, que de nouvelles persécutions le poursuivent, et que le château fort de Pontarlier se referme sur lui. Un amour, que les Lettres à Sophie ont rendu immortel, lui en ouvre les portes. Il enlève madame de Monnier à son vieil époux. Les amants, heureux quelques mois, se réfugient en Hollande. On les atteint, on les sépare, on les enferme, l’une au couvent, l’autre au donjon de Vincennes. L’amour, qui, comme le feu dans les veines de la terre, se découvre toujours dans quelque repli de la destinée des grands hommes, allume en un seul et ardent foyer toutes les passions de Mirabeau. Dans la vengeance, c’est l’amour outragé qu’il satisfait ; dans la liberté, c’est l’amour qu’il rejoint et qu’il délivre ; dans l’étude, c’est encore l’amour qu’il illustre. Entré obscur dans son cachot, il en sort écrivain, orateur, homme d’État, mais perverti, prêt à tout, même à se vendre, pour acheter de la fortune et de la célébrité.

Le drame de la vie est conçu dans sa tête ; il ne lui faut plus qu’une scène, et le temps la lui prépare. Dans l’intervalle du peu d’années qui s’écoule pour lui entre sa sortie du donjon de Vincennes et la tribune de l’Assemblée nationale, il entasse des travaux polémiques qui auraient lassé tout autre homme, et qui le tiennent seulement en haleine. La Banque de Saint-Charles, les Institutions de la Hollande, l’ouvrage sur la Prusse, le pugilat avec Beau-