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VIII

Que se passait-il aux Tuileries pendant ces heures décisives ? Le secret du départ projeté avait été religieusement renfermé entre le roi, la reine, Madame Élisabeth, quelques serviteurs dévoués et le comte de Fersen, gentilhomme suédois chargé des préparatifs extérieurs. Des rumeurs vagues, semblables aux pressentiments des choses qui courent avant les événements parmi le peuple, étaient, il est vrai, répandues depuis quelques jours ; mais ces rumeurs étaient plutôt l’effet de la disposition inquiète des esprits que d’aucune révélation positive des confidents de la fuite. Ces bruits cependant, qui venaient assiéger sans cesse M. de La Fayette et son état-major, faisaient redoubler la surveillance autour du château et jusque dans l’intérieur des appartements du roi. Depuis les 5 et 6 octobre, la maison militaire avait été licenciée ; les compagnies de gardes du corps, dont chaque soldat était un gentilhomme, et dont l’honneur, la race, le sang, la tradition, l’esprit de corps, assuraient l’inébranlable fidélité, n’existaient plus. Cette vigilance respectueuse, qui faisait pour eux un culte de leur service autour des personnes royales, avait fait place à l’ombrageuse surveillance de la garde nationale, qui épiait le roi bien plus qu’elle ne gardait le monarque. Les gardes suisses, il est vrai, entouraient encore les Tuileries ; mais les Suisses n’occupaient que les postes exté-