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talent, d’opinion et d’éloquence, qu’on appela depuis la Gironde. La dialectique obstinée, l’ironie âpre et mordante, étaient les deux caractères du talent de Gensonné. Il n’entraînait pas, il contraignait : ses passions révolutionnaires étaient fortes, mais raisonnées.

Avant d’entrer à l’Assemblée législative, il avait été envoyé comme commissaire avec Dumouriez, depuis si célèbre, pour étudier l’esprit des populations dans les départements de l’Ouest, et proposer les mesures utiles à la pacification de ces contrées agitées par les querelles religieuses. Son rapport lumineux et calme avait conclu à la tolérance et à la liberté, ces deux topiques des consciences. Il était, comme tous les Girondins alors, décidé à pousser la Révolution jusqu’à sa forme extrême et définitive : la république, — sans impatience cependant de renverser le trône constitutionnel, pourvu que la constitution fût dans les mains de son parti.

Lié avec le ministre Narbonne, ses calomniateurs l’accusaient de lui être vendu. Rien ne légitime ce soupçon. Si l’âme des Girondins n’était pas pure d’ambitions et d’intrigues, leurs mains restaient pures de toute corruption. Gensonné, dans son rapport au nom du comité diplomatique, se posait deux questions : d’abord, quelle était notre situation politique à l’égard de l’empereur ? secondement, son dernier office devait-il être regardé comme une hostilité ; et dans ce cas, fallait-il accélérer en l’attaquant l’instant d’une rupture inévitable ?

« Notre situation avec l’empereur, se répondait-il, c’est l’intérêt français sacrifié à la maison d’Autriche, nos finances et nos armées prodiguées pour elle, nos alliances perdues ; et quelle marque de réciprocité en recevons-nous ?