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X

Roland, né dans une famille d’honnête bourgeoisie qui occupait des emplois de magistrature et prétendait à la noblesse, était le dernier de cinq frères. On le destinait à l’Église. Pour fuir cette destinée, qui lui répugnait, il quitta à dix-neuf ans la maison paternelle et se réfugia à Nantes. Entré chez un armateur, il se préparait à passer aux Indes pour s’y adonner au commerce, quand une maladie l’arrêta au moment de s’embarquer. Un de ses parents, inspecteur des manufactures, le recueillit à Rouen et le fit entrer dans ses bureaux. Cette administration, animée de l’esprit de Turgot, touchait par les procédés des arts à toutes les sciences, et par l’économie politique aux plus hauts problèmes de gouvernement. Elle était peuplée de philosophes. Roland s’y distingua. Le gouvernement l’envoya en Italie, pour y étudier la marche du commerce.

Il s’éloigna avec peine de sa jeune amie, et lui écrivit régulièrement des lettres scientifiques destinées à servir de notes à l’ouvrage qu’il se proposait d’écrire sur l’Italie, lettres dans lesquelles le sentiment se révélait sous la science, plus semblables aux études d’un philosophe qu’aux entretiens d’un amant.

À son retour, elle revit en lui un ami : son âge, sa gravité, ses mœurs, ses habitudes laborieuses, le lui firent considérer comme un sage qui n’existait que par la raison.