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figure, dans le caractère et dans le talent, cette médiocrité solennelle qui convient à la foule et qui la charme. Il était probe, du moins, vertu que le peuple apprécie au-dessus de toutes les autres dans ceux qui manient les affaires publiques. Appelé par ses concitoyens à l’Assemblée nationale, il s’y était fait un nom par ses efforts plus que par ses succès. Rival heureux de Robespierre et son ami alors, ils avaient formé à eux seuls ce parti populaire, à peine aperçu au commencement, qui professait la démocratie pure et la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, pendant que Cazalès, Mirabeau et Maury, la noblesse, le clergé et la bourgeoisie, se disputaient seulement le gouvernement. Le despotisme d’une classe paraissait à Robespierre et à Pétion aussi odieux que le despotisme d’un roi. Le triomphe du tiers état leur importait peu, tant que le peuple entier, c’est-à-dire l’humanité, dans son acception la plus large, ne triomphait pas. Ils s’étaient donné pour tâche, non la victoire d’une classe sur une autre, mais la victoire et l’organisation d’un principe divin et absolu : l’humanité. C’était là leur faiblesse dans les premiers jours de la Révolution ; ce fut plus tard leur force. Pétion commençait à la recueillir.

Il s’était insinué insensiblement par ses doctrines et par ses discours dans la confiance du peuple de Paris ; il tenait aux hommes de lettres par la culture de l’esprit, au parti d’Orléans par sa liaison intime avec madame de Genlis, favorite du prince et gouvernante de ses enfants. On parlait de lui, ici comme d’un sage qui voulait porter la philosophie dans la constitution, là comme d’un conspirateur profond qui voulait saper le trône ou y faire monter avec le duc d’Orléans les intérêts et la dynastie du peuple. Cette