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frocs, abattu tant de théories, qu’une telle révolution, dis-je, vous pardonnera ? Non, non ! il faut un dénoûment à cette révolution ! Je dis que, sans le provoquer, il faut marcher vers ce dénoûment avec intrépidité. Plus vous tarderez, plus votre triomphe sera difficile et arrosé de sang. (De violents murmures s’élèvent dans une partie de la salle.)

» Mais ne voyez-vous pas, reprend Isnard, que tous les contre-révolutionnaires se tiennent et ne vous laissent d’autre parti que celui de les vaincre ? Il vaut mieux avoir à les combattre pendant que les citoyens sont encore en haleine et qu’ils se souviennent des dangers qu’ils ont courus, que de laisser le patriotisme se refroidir ! N’est-il pas vrai que nous ne sommes déjà plus ce que nous étions dans la première année de la liberté ? (Une partie de la salle applaudit, l’autre se soulève.) Alors, si le fanatisme eût levé la tête, la loi l’aurait abattue ! Votre politique doit être de forcer la victoire à se prononcer. Poussez à bout vos ennemis, vous les ramènerez par la crainte ou vous les soumettrez par le glaive. Dans les grandes circonstances, la prudence est une faiblesse. C’est surtout à l’égard des révoltés qu’il faut être tranchant. Il faut les écraser dès qu’ils se lèvent. Si on les laisse se rassembler et se faire des partisans, alors ils se répandent dans l’empire comme un torrent que rien ne peut plus arrêter. C’est ainsi qu’agit le despotisme, et voilà comment un seul individu retient sous son joug tout un peuple. Si Louis XVI eût employé ces grands moyens pendant que la Révolution n’était encore éclose que dans les pensées, nous ne serions pas ici. Cette rigueur est un crime dans un despote, elle est une vertu dans une nation. Les législateurs qui reculent devant ces moyens