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dehors, le ministère entier de Louis XVI. Il était de plus le ministre absolu : car une fois investi de la confiance et du mandat illimité du roi, qui ne pouvait le révoquer sans trahir l’existence de sa diplomatie occulte, il était maître d’en abuser et d’interpréter les intentions de Louis XVI au gré de ses propres vues. Le baron de Breteuil en abusa, dit-on, non par ambition personnelle, mais par excès de zèle pour le salut et pour la dignité de son maître. Ses négociations auprès de Catherine, de Gustave, de Frédéric et de Léopold, furent une incitation constante à une croisade contre la Révolution en France.

Le comte de Provence (depuis Louis XVIII) et le comte d’Artois (depuis Charles X), après différentes excursions dans les cours du Midi et du Nord, s’étaient réunis à Coblentz. Louis Wenceslas, électeur de Trèves, oncle de ces princes par leur mère, leur fit un accueil plus cordial que politique. Coblentz devint le Paris de l’Allemagne, le centre de la conspiration contre-révolutionnaire, le quartier général de la noblesse française rassemblée autour de ses chefs naturels, les deux frères du roi prisonnier. Pendant qu’ils y tenaient leur cour errante et qu’ils y nouaient les premiers fils de la coalition de Pilnitz, le prince de Condé, plus militaire de cœur et de race, y formait les cadres de l’armée des princes. Cette armée avait huit ou dix mille officiers et point de soldats. C’était la tête de l’armée séparée du tronc. Noms historiques, dévouement antique, ardeur de jeunesse, héroïque bravoure, fidélité, confiance dans ses droits, certitude de vaincre, rien ne manquait à cette armée de Coblentz, si ce n’est l’intelligence de son pays et de son temps. Si la noblesse française émigrée eût employé à servir, en régularisant la Révolu-