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son cœur. Des arbres verts, des guirlandes de feuilles et des couronnes de roses décoraient la façade de cette maison. On y lisait cette inscription célèbre : Son esprit est partout, et son cœur est ici. De jeunes filles vêtues de blanc, et le front couronné de fleurs, couvraient les gradins d’un amphithéâtre élevé devant la maison. Madame de Villette, dont Voltaire avait été le second père, dans tout l’éclat de la beauté et dans tout l’attendrissement de ses larmes, s’avança au milieu d’elles et déposa la plus belle des couronnes, la couronne filiale, sur le front du grand homme. Des strophes du poëte Chénier, un des hommes qui nourrissait le plus et qui conserva jusqu’à sa mort le culte de Voltaire, éclatèrent à ce moment, revêtues des sons religieux de la musique. Madame de Villette et les jeunes filles de l’amphithéâtre descendirent dans la rue, semée de fleurs, et marchèrent devant le char. Le Théâtre-Français, qui était alors dans le faubourg Saint-Germain, avait fait de son péristyle un arc de triomphe. Sur chacune des colonnes était incrusté un médaillon renfermant, en lettres de bronze doré, le titre des principaux drames du poëte. On lisait sur le piédestal de sa statue, érigée devant la porte du théâtre : Il fit Irène à quatre-vingt-trois ans ; à dix-sept ans, il fit Œdipe.

L’immense procession qui escortait cette gloire posthume n’arriva au Panthéon qu’à dix heures du soir. Le jour n’avait pas été assez long pour ce triomphe. Le cercueil de Voltaire fut déposé entre Descartes et Mirabeau. C’était la place prédestinée à ce génie intermédiaire entre la philosophie et la politique, entre la pensée et l’action.

Cette apothéose de la philosophie moderne, au milieu des grands événements qui agitaient l’esprit public, montrait