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événements, des retours à la sagesse et des occasions aux hommes d’État. Ce sont les moments qu’ils épient pour saisir l’esprit hésitant et intimidé des peuples, pour les faire réagir contre leurs excès, et pour les ramener en arrière par le contre-coup même des passions qui les ont emportés trop loin. Le lendemain du 25 juin 1791, la France eut un de ces repentirs qui sauvent les peuples. Il ne lui manqua qu’un homme d’État.

Jamais l’Assemblée nationale n’avait offert un aspect aussi imposant et aussi calme que pendant les cinq jours qui avaient suivi le départ du roi. On eût dit qu’elle sentait le poids de l’empire tout entier peser sur elle, et qu’elle affermissait son attitude pour le porter avec dignité. Elle accepta le pouvoir sans vouloir ni l’usurper ni le retenir. Elle couvrit d’une fiction respectueuse la désertion du roi ; elle appela la fuite enlèvement ; elle chercha des coupables autour du trône ; elle ne vit sur le trône que l’inviolabilité. L’homme disparut, pour elle, dans Louis XVI, sous le chef irresponsable de l’État. Ces trois mois peuvent être considérés comme un interrègne, pendant lequel la raison publique est à elle seule la constitution. Il n’y a plus de roi, puisqu’il est captif et que sa sanction lui est retirée ; il n’y a plus de loi, puisque la constitution n’est pas faite ; il n’y a plus de ministres, puisque le pouvoir exécutif est interdit ; et cependant l’empire est debout, agit, s’organise, se défend, se conserve. Ce qui est plus prodigieux encore, il se modère. Il tient en réserve dans un palais le rouage principal de la constitution, la royauté ; et, le jour où l’œuvre est accomplie, il le pose à sa place et il dit au roi : « Sois libre et règne ! »