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mouton, des colombes, dans un coin de terre autour de leur masure. Aussi, partout où il y a un site élevé, sublime, gracieux dans le paysage, une mosquée, un santon, une cabane turque, s’y placent. Il n’y a pas un site du Bosphore, un mamelon, un golfe riant de la côte d’Asie et d’Europe, où un pacha ou un vizir n’ait bâti une villa et un jardin. S’asseoir à l’ombre, en face d’un magnifique horizon, avec de belles branches de feuillage sur la tête, une fontaine auprès, la campagne ou la mer sous les yeux, et là passer les heures et les jours à s’ennuyer de contemplation vague et inarticulée, voilà la vie du musulman : elle explique le choix et l’arrangement de ses demeures ; elle explique aussi pourquoi ce peuple reste inactif et silencieux, jusqu’à ce que des passions le soulèvent et lui rendent son énergie native, qu’il laisse dormir en lui, mais qu’il ne perd jamais. Il n’est pas loquace comme l’Arabe ; il fait peu de cas des plaisirs de l’amour-propre et de la société ; ceux de la nature lui suffisent : il rêve, il médite et il prie. C’est un peuple de philosophes ; il tire tout de la nature, il rapporte tout à Dieu. Dieu est sans cesse dans sa pensée et dans sa bouche ; il n’y est pas comme une idée stérile, mais comme une réalité palpable, évidente, pratique. Sa vertu est l’adoration perpétuelle de la volonté divine ; son dogme, la fatalité. Avec cette foi on conquiert le monde et on le perd avec la même facilité, avec le même calme.

Nous sortons par la porte qui donne sur le port, et j’entre dans le beau kiosque, sur le quai, où le sultan vient s’asseoir quand ses flottes partent ou rentrent d’une expédition, et saluent leur maître.