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dues par le lit creux d’un torrent ou d’un ruisseau. Un village s’étend alors sur les bords aplanis de ces golfes, avec ses belles fontaines moresques, sa mosquée à coupole d’or ou d’azur, et son léger minaret qui confond sa cime dans celle des grands platanes. Les maisonnettes peintes s’élèvent en amphithéâtre des deux côtés et au fond de ces petits golfes, avec leurs façades et leurs kiosques à mille couleurs ; sur la cime des collines, de grandes villas s’étendent, flanquées de jardins suspendus et de groupes de sapins à larges têtes, et terminent les horizons. Au pied de ces villages, est une grève ou un quai de granit de quelques pieds seulement de large ; ces grèves sont plantées de sycomores, de vignes, de jasmins, et forment des berceaux jusque sur la mer, où les caïques s’abritent. Là sont à l’ancre des multitudes d’embarcations et de bricks de commerce de toutes les nations. Ils mouillent en face de la maison ou des magasins de l’armateur, et souvent un pont jeté du pont du brick à la fenêtre de la villa sert à transporter les marchandises. Une foule d’enfants, de marchands de légumes, de dattes, de fruits, circulent sur ces quais ; c’est le bazar du village et du Bosphore. Des matelots de tous les costumes et de toutes les langues y sont groupés au milieu des osmanlis, qui fument accroupis sur leurs tapis, auprès de la fontaine, autour du tronc des platanes.

Aucune vue des villages de Lucerne ou d’Interlaken ne peut donner une idée de la grâce et du pittoresque exquis de ces petites anses du Bosphore. Il est impossible de ne pas s’arrêter un moment sur ses rames pour les contempler. On trouve de ces villes, ports ou villages, à peu près toutes les cinq minutes, sur la première moitié de la côte d’Europe,