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Les marchands de comestibles sont ceux dont les magasins offrent le plus d’ordre, d’élégance, de propreté et d’attrait à l’œil. Le devant de leurs boutiques est garni d’une multitude de corbeilles remplies de légumes, de fruits secs et de graines légumineuses dont je ne sais pas les noms, mais qui ont des formes et des couleurs vernissées admirables, et qui brillent comme de petits cailloux sortant de l’eau. Les galettes de pain, de toute épaisseur et de toute qualité, sont étalées sur le devant de la boutique ; il y en a une innombrable variété pour les différentes heures et les différents repas du jour : elles sont toutes chaudes, comme des gaufres, et d’une saveur parfaite. Nulle part je n’ai vu une si grande perfection de pain qu’à Damas : il ne coûte presque rien. Quelques restaurateurs offrent aussi à dîner aux négociants ou aux promeneurs du bazar. Il n’y a chez eux ni tables ni couverts : ils vendent de petites brochettes de morceaux de mouton, gros comme une noix et rôtis au four. L’acheteur les emporte sur une des galettes dorées du pain dont j’ai parlé, et les mange sur le pouce. Les fontaines nombreuses du bazar lui offrent la seule boisson des Arabes. Un homme peut se nourrir parfaitement à Damas pour deux piastres, ou environ dix sous par jour. Le peuple n’en emploie pas la moitié à sa nourriture. On aurait une jolie maison pour deux ou trois cents piastres par an. Avec trois ou quatre cents francs de revenu, on serait à son aise ici : c’est de même partout en Syrie.

En parcourant le bazar, je suis arrivé au quartier des faiseurs de caisses et de coffres : c’est la grande industrie, car tout l’ameublement d’une famille arabe consiste en un ou deux coffres où l’on serre les hardes et les bijoux. La