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tranquilles et peine ridées. C’est une impression délicieuse que celle du navigateur échappé à la tempête à force de travail et de peine, quand il entend enfin rouler la chaîne de fer de l’ancre qui va l’attacher à un rivage hospitalier. Aussitôt que l’ancre a mordu, toutes les figures contractées des matelots se détendent ; on voit que les pensées se reposent aussi : ils descendent dans l’entre-pont, ils vont changer leurs habits mouillés ; ils remontent bientôt avec leur costume des dimanches, et reprennent toutes les habitudes paisibles de leur vie de terre. Oisifs, gais, causeurs, ils sont assis, les bras croisés, sur les balustres du bordage, ou fument tranquillement leurs pipes, en regardant avec indifférence les paysages et les maisons du rivage.




17 juillet 1832.


Mouillés dans cette rade paisible, après une nuit de sommeil délicieux, nous déjeunons sur le pont, à l’abri d’une voile qui nous sert de tente ; la côte brûlée mais pittoresque de la Sardaigne s’étend devant nous. Une embarcation armée de deux pièces de canon se détache de l’île de Saint-Antioche, à deux lieues de nous, et semble s’approcher. Nous la distinguons bientôt mieux ; elle porte des marins et des soldats ; elle est en peu de temps à portée de la voix ; elle nous interroge, et nous ordonne d’aller à terre : nous