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vant l’ombre de la mort qu’il sentait déjà sur lui, il dit à son père : « Que ce calice passe loin de moi ! » Et moi, homme misérable, ignorant et faible, je pourrais donc m’écrier aussi, au pied de l’arbre de la faiblesse humaine : Seigneur, que tous ces calices d’amertume s’éloignent de moi, et soient reversés par vous dans ce calice déjà bu pour nous tous ! — Lui, avait la force de le boire jusqu’à la lie ; — il vous connaissait, il vous avait vu ; il savait pourquoi il allait le boire ; il savait quelle vie immortelle l’attendait au fond de son tombeau de trois jours ; — mais moi, Seigneur, que sais-je, si ce n’est la souffrance qui brise mon cœur, et l’espérance qu’il m’a apprise ?

Je me relevai, et j’admirai combien ce lieu avait été divinement prédestiné et choisi pour la scène la plus douloureuse de la passion de l’Homme-Dieu. C’était une vallée étroite, encaissée, profonde ; fermée au nord par des hauteurs sombres et nues qui portaient les tombeaux des rois ; ombragée à l’ouest par l’ombre des murs sombres et gigantesques d’une ville d’iniquités ; couverte à l’orient par la cime de la montagne des Oliviers, et traversée par un torrent qui roulait ses ondes amères et jaunâtres sur les rochers brisés de la vallée de Josaphat. À quelques pas de là, un rocher noir et nu se détache, comme un promontoire, du pied de la montagne, et, suspendu sur le Cédron et sur la vallée, porte quelques vieux tombeaux des rois et des patriarches, taillés en architecture gigantesque et bizarre, et s’élance, comme le pont de la mort, sur la vallée des lamentations.

À cette époque, sans doute, les flancs, aujourd’hui demi--